Publié sous : Le Moment Présent
 

Le pouvoir du Moment Présent

ECKART TOLLE

 

ECKART TOLLE
www.eckharttolle.com

Un extrait de l’ouvrage « Le pouvoir du moment présent » (The Power of now) – Guide d’éveil spirituel,
transmis par Luc Lalande, et publié dans le Net-Journal Essence, avec l’autorisation de l’éditeur :

Ariane Éditions inc.
1209, av. Bernard O.
Bureau 110
Outremont, Québec, Canada
nfoi@ariane.qc.ca
http://www.ariane.qc.ca

 


 

Avec ce livre, Eckhart Tolle insiste sur l’importance de rester ancrer dans l’instant présent et donne des conseils pour s’affranchir du temps psychologique qui nous entraîne constamment dans le passé ou le futur. Il aborde également d’autres thèmes, comme celui de l’impermanence des choses, des cycles de vie, mais aussi de la nécessité de lâcher prise face aux problèmes que l’on rencontre dans la vie quotidienne.

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A PROPOS DE L’AUTEUR

Eckhart Tolle est né en Allemagne et y a passé les treize premières années de sa vie. Après des études universitaires à Londres, il s’orienta vers la recherche et, dans ce cadre, dirigea même un groupe à l’université de Cambridge. À l’âge de 29 ans, il connut une profonde évolution spirituelle qui le transfigura et changea radicalement le cours de son existence.

Il consacra les quelques années suivantes à comprendre, intégrer et approfondir cette transformation qui marqua chez lui le début d’un intense cheminement intérieur.

Au cours des dix dernières années, il fut conseiller et enseignant spirituel auprès d’individus et de petits groupes en Europe et en Amérique du Nord. Depuis 1996, il vit à Vancouver, (Colombie-Britannique). Grâce à ce livre, un plus grand auditoire pourra enfin profiter de ses enseignements.

Vous pouvez consulter son site Internet (en anglais).
L’ORIGINE DE CE LIVRE

Le passé ne m’est pas d’une grande utilité et j’y pense rarement. Cependant, j’aimerais vous raconter rapidement comment j’en suis venu à devenir un guide spirituel et comment ce livre a vu le jour.

Jusqu’à l’âge de treize ans, j’ai vécu dans un état presque continuel d’anxiété ponctué de périodes de dépression suicidaire.

Aujourd’hui, j’ai l’impression de parler d’une vie passée ou de la vie de quelqu’un d’autre.

Une nuit, peu après mon vingt-neuvième anniversaire, je me réveillai aux petites heures avec une sensation de terreur absolue. Il m’était souvent arrivé de sortir du sommeil en ayant une telle sensation, mais cette fois-ci c’était plus intense que cela ne l’avait jamais été. Le silence nocturne, les contours estompés des meubles dans la pièce obscure, le bruit lointain d’un train, tout me semblait si étrange, si hostile et si totalement insignifiant que cela créa en moi un profond dégoût du monde. Mais ce qui me répugnait le plus dans tout cela, c’était ma propre existence. À quoi bon continuer à vivre avec un tel fardeau de misère ? Pourquoi poursuivre cette lutte ? En moi, je sentais qu’un profond désir d’annihilation, de ne plus exister, prenait largement le pas sur la pulsion instinctive de survivre.

« Je ne peux plus vivre avec moi-même. » Cette pensée me revenait sans cesse à l’esprit. Puis, soudain, je réalisai à quel point elle était bizarre. « Suis-je un ou deux ? Si je ne réussis pas à vivre avec moi-même, c’est qu’il doit y avoir deux moi : le « je » et le moi » avec qui le « je » ne peut pas vivre. ». « Peut-être qu’un seul des deux est réel », pensai-je.

Cette prise de conscience étrange me frappa tellement que mon esprit cessa de fonctionner. J’étais totalement conscient, mais il n’y avait plus aucune pensée dans ma tête. Puis, je me sentis aspiré par ce qui me sembla être un vortex d’énergie. Au début, le mouvement était lent, puis il s’accéléra.

Une peur intense me saisit et mon corps se mit à trembler. J’entendis les mots « ne résiste à rien », comme s’ils étaient prononcés dans ma poitrine. Je me sentis aspiré par le vide. J’avais l’impression que ce vide était en moi plutôt qu’à l’extérieur. Soudain, toute peur s’évanouit et je me laissai tomber dans ce vide. Je n’ai aucun souvenir de ce qui se passa par la suite.

Puis les pépiements d’un oiseau devant la fenêtre me réveillèrent. Je n’avais jamais entendu un tel son auparavant. Derrière mes paupières encore closes, ce son prit la forme d’un précieux diamant. Oui, si un diamant pouvait émettre un son, c’est ce à quoi il ressemblerait. J’ouvris les yeux. Les premières lueurs de l’aube fusaient à travers les rideaux. Sans l’intermédiaire d’aucune pensée, je sentis, je sus, que la lumière est infiniment plus que ce que nous réalisons. Cette douce luminosité filtrée par les rideaux était l’amour lui-même. Les larmes me montèrent aux yeux. Je me levai et me mis à marcher dans la pièce. Je la reconnus et, pourtant, je sus que je ne l’avais jamais vraiment vue auparavant. Tout était frais et comme neuf, un peu comme si tout venait d’être mis au monde. Je ramassai quelques objets, un crayon, une bouteille vide, et m’émerveillai devant la beauté et la vitalité de tout ce qui se trouvait autour de moi.

Ce jour-là, je déambulai dans la ville, totalement fasciné par le miracle de la vie sur terre, comme si je venais de venir au monde.

Pendant les cinq mois qui suivirent, je vécus sans interruption dans une grande béatitude et une paix profonde. Par après, cela diminua d’intensité ou telle fut mon impression peut-être parce que cet état-là m’était devenu naturel. Je pouvais encore fonctionner dans le monde même si je réalisais que rien de ce que je faisais n’aurait pu ajouter quoi que ce soit à ce que j’avais déjà.

Bien entendu, je savais que quelque chose de profondément significatif m’était arrivé, sans toutefois comprendre de quoi il s’agissait. Ce ne fut que plusieurs années plus tard, après avoir lu des textes sur la spiritualité et passé du temps avec des maîtres spirituels, que je compris qu’il m’était arrivé, à moi, tout ce que le monde cherchait. Je compris que l’intense oppression occasionnée par la souffrance cette nuit-là devait avoir forcé ma conscience à se désengager de son identification au moi malheureux et plein de peur profonde, qui en fin de compte n’était qu’une fiction. Ce désengagement avait dû être si total que ce faux moi souffrant s’effondra immédiatement, comme un ballon qui se dégonfle quand on enlève le bouchon. Tout ce qui restait, c’était ma véritable nature, l’éternel je suis, la conscience dans son état vierge avant l’identification à la forme. Plus tard, j’appris également à retourner en moi, dans ce royaume intemporel et immortel que j’avais au début perçu comme un vide, tout en restant pleinement conscient. Je connus des états de béatitude et de grâce tels qu’il est difficile de les décrire et qu’ils éclipsent même la première expérience que je viens de décrire. Il fut un temps, pendant une certaine période, où il ne me resta plus rien sur le plan concret. Pas de relations, pas d’emploi, aucune identité sociale. Je passai presque deux ans assis sur les bancs de parcs dans un état de joie la plus intense qui soit.

Mais même les plus belles expériences ont une fin. Il y a peut-être quelque chose de plus important que n’importe quelle expérience, et c’est la paix sous-jacente qui ne m’a jamais quitté depuis ce jour-là. Elle est parfois très puissante, presque palpable, et les autres peuvent la sentir aussi. À d’autres moments, elle est plus en arrière-plan, semblable à une mélodie de fond.

Plus tard, les gens sont venus me voir à l’occasion en me disant : « Je veux arriver à la même chose que vous. Pouvez-vous m’y amener ou me montrer comment faire ? » Et je leur répondais:

« Mais vous y êtes déjà. Vous ne pouvez pas le sentir parce que votre mental fait trop de bruit. » Cette réponse s’élabora et devint plus tard le livre que vous tenez entre les mains.

En un rien de temps, je me retrouvai de nouveau avec une identité.

J’étais devenu un enseignant spirituel …

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CHAPITRE 1 – VOUS N’ ÊTES PAS VOTRE MENTAL

1 – LE PLUS GRAND EMPÊCHEMENT A L’ ILLUMINATION

L’illumination, c’est quoi ?

Un mendiant était assis sur le bord d’un chemin depuis plus de trente ans. Un jour, un étranger passa devant lui. « Vous avez quelques pièces de monnaie pour moi ? » marmotta le mendiant en tendant sa vieille casquette de base-ball d’un geste automatique. « Je n’ai rien à vous donner », répondit l’étranger, qui lui demanda par la suite: « Sur quoi êtes-vous assis ? » « Sur rien, répondit le mendiant, juste une vieille caisse. Elle me sert de siège depuis aussi longtemps que je puisse m’en souvenir. » « Avez-vous jamais regardé ce qu’il y avait dedans ? » demanda l’étranger. « Non, répliqua le mendiant, pour quelle raison ? Il n’y a rien. » « Jetez-y donc un coup d’oeil », insista l’étranger. Le mendiant réussit à ouvrir le couvercle en le forçant. Avec étonnement, incrédulité et le coeur rempli d’allégresse, il constata que la caisse était pleine d’or.

Je suis moi-même cet étranger qui n’a rien à vous donner et qui vous dit de regarder à l’intérieur. Non pas à l’intérieur d’une caisse, comme dans cette parabole, mais dans un lieu encore plus proche de vous : en vous-même.

« Mais je ne suis pas un mendiant », puis-je déjà vous entendre rétorquer.

Ceux qui n’ont pas trouvé leur véritable richesse, c’est-à-dire la joie radieuse de l’Être et la paix profonde et inébranlable qui l’accompagnent, sont des mendiants, même s’ils sont très riches sur le plan matériel. Ils se tournent vers l’extérieur pour récolter quelques miettes de plaisir et de satisfaction, pour se sentir validés, sécurisés ou aimés, alors qu’ils abritent en eux un trésor qui non seulement recèle toutes ces choses, mais qui est aussi infiniment plus grandiose que n’importe quoi que le monde puisse leur offrir.

Le terme « illumination » évoque l’idée d’un accomplissement surhumain, et l’ego aime s’en tenir à cela. Mais l’illumination est tout simplement votre état naturel, la sensation de ne faire qu’un avec l’Être. C’est un état de fusion avec quelque chose de démesuré et d’indestructible. Quelque chose qui, presque paradoxalement, est essentiellement vous mais pourtant beaucoup plus vaste que vous. L’illumination, c’est trouver votre vraie nature au-delà de tout nom et de toute forme. Votre incapacité à ressentir cette fusion fait naître l’illusion de la division, la division face à vous-même et au monde environnant. C’est pour cela que vous vous percevez, consciemment ou non, comme un fragment isolé. La peur survient et le conflit devient la norme, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

J’affectionne la définition simple que donne Gautama le Bouddha de l’illumination : il affirme que c’est « la fin de la souffrance ». Cela n’a rien de surhumain, n’est-ce pas ? Bien sûr, comme telle, cette définition est incomplète, car elle exprime seulement ce que l’illumination n’est pas, c’est-à-dire qu’elle n’est pas souffrance. Mais que reste-t-il quand il n’y a plus de souffrance ? Bouddha garde le silence là-dessus et son silence sous-entend que c’est à vous de le découvrir. Il retient une définition par la négative afin que le « mental » ne puisse pas en faire une croyance ou un accomplissement surhumain, un objectif qu’il vous soit impossible à atteindre. Malgré cette précaution de la part de Bouddha, la majorité des bouddhistes croient encore que l’illumination est l’apanage de Bouddha et non le leur, du moins pas dans cette vie-ci.

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Vous avez employé le terme « Être ». Pouvez-vous en expliquer la signification ?

L’être est LA vie éternelle et omniprésente qui existe au-delà des myriades de formes de vie assujetties au cycle de la naissance et de la mort. L’Être n’existe cependant pas seulement au-delà mais aussi au coeur de toute forme ; il constitue l’essence invisible et indestructible la plus profonde. En d’autres termes, l’Être vous est accessible immédiatement et représente votre moi le plus profond, votre véritable nature. Mais ne cherchez pas à le saisir avec votre « mental » ni à le comprendre. Vous pouvez l’appréhender seulement lorsque votre « mental » s’est tu. Quand vous êtes présent, quand votre attention est totalement et intensément dans le présent, vous pouvez sentir l’Être. Mais vous ne pouvez jamais le comprendre mentalement. Retrouver cette présence à l’Être et se maintenir dans cet état de « sensation de réalisation », c’est cela l’illumination.

Lorsque vous utilisez le terme « Être », faites-vous référence à Dieu ? Si oui, pourquoi n’employez-vous pas le terme « Dieu » ?

Le mot « Dieu » s’est vidé de son sens, car on en a abusé pendant des millénaires. Je l’emploie parfois, mais avec parcimonie. Quand j’affirme que le terme est galvaudé, je veux dire que certaines gens, qui n’ont jamais ne serait-ce qu’entrevu le sacré ni même jamais eu le moindre aperçu de l’infinie vastitude que le mot abrite, recourent à ce terme avec grande conviction, comme s’ils savaient de quoi ils parlent. Ou bien que d’autres personnes le rejettent, comme si elles savaient ce qu’elles nient. Cet abus d’emploi a donné naissance, par l’ego, à d’absurdes croyances, affirmations et illusions du genre « Mon ou notre Dieu est le seul Dieu véritable et votre Dieu est faux » ou encore comme le célèbre énoncé de Nietzsche : « Dieu est mort. »

Le mot « Dieu » est devenu un concept fermé. Dès qu’il est prononcé, une image mentale se crée, qui n’est peut-être plus celle d’un vieux patriarche à la barbe blanche, mais qui reste encore et toujours une représentation mentale de quelqu’un ou de quelque chose qui se trouve en dehors de vous. Qui plus est, inévitablement du genre masculin.

Ni le terme « Dieu », ni « Être », ni quelque autre expression que ce soit ne peut définir ou expliquer l’ineffable réalité qu’abrite le mot en question. En fait, la seule question importante à se poser est la suivante : « Ce mot vous aide-t-il ou vous empêche-t-il de faire l’expérience de ce qu’il désigne ? » Fait-il référence à cette réalité transcendantale qui existe au-delà de lui-même ou s’emploie-t-il à tort et à travers pour ne devenir rien de plus qu’une idée à laquelle votre tête peut croire, qu’une idole mentale ?

À l’instar du terme « Dieu », le mot « Être » n’explique rien. Par contre, il a l’avantage d’être un concept ouvert. Il ne réduit pas l’infini invisible à une entité finie et il est impossible de s’en faire une image mentale. Personne ne peut se déclarer être l’unique détenteur de l’Être, car il s’agit de votre essence même et que celle-ci vous est accessible immédiatement sous la forme de la sensation de votre propre présence, de la réalisation de ce « Je suis » qui précède le « Je suis ceci ou cela ».

Le pas à franchir entre le terme « Être » et l’expérience d’« Être » est donc plus petit.

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Qu’est-ce qui nous empêche le plus de connaître cette réalité ?

C’est l’identification au « mental », car celle-ci amène la pensée à devenir compulsive. L’incapacité à s’arrêter de penser est une épouvantable affliction. Nous ne nous en rendons pas compte parce que presque tout le monde en est atteint : nous en venons à la considérer comme normale. Cet incessant bruit mental vous empêche de trouver ce royaume de calme intérieur qui est indissociable de l’« Être ». Ce bruit crée également un faux moi érigé par l’ego qui projette une ombre de peur et de souffrance sur tout. Nous reviendrons plus en détail sur tout cela.

Le philosophe français Descartes a cru avoir découvert la vérité la plus fondamentale quand il fit sa célèbre déclaration: « Je pense, donc je suis. » Il venait en fait de formuler l’erreur la plus fondamentale, celle d’assimiler la pensée à l’être et l’identité à la pensée. Le penseur compulsif, c’est-à-dire presque tout un chacun, vit dans un état d’apparente division, dans un monde déraisonnablement complexe où foisonnent perpétuellement problèmes et conflits, un monde qui reflète l’incessante fragmentation du mental. L’illumination est un état de plénitude, d’unité avec le Tout et donc de paix. C’est un état d’unité avec la vie sous sa forme manifeste, soit le monde, et avec la vie sous sa forme non manifeste, c’est-à-dire votre moi. Un état d’unité avec l’être. L’illumination est non seulement la fin de la souffrance et du perpétuel conflit en soi ou avec le monde extérieur, mais aussi d’un épouvantable esclavage, celui de l’incessante pensée. C’est une incroyable libération !

L’identification au mental crée chez vous un écran opaque de concepts, d’étiquettes, d’images, de mots, de jugements et de définitions qui empêchent toute vraie relation. Cet écran s’interpose entre vous et vous-même, entre vous et votre, prochain, entre vous et la nature, entre vous et le divin. C’est cet écran de pensées qui amène cette illusion de division, l’illusion qu’il y a vous et un « autre », totalement séparé de vous. Vous oubliez un fait essentiel : derrière le plan des apparences physiques et de la diversité des formes, vous ne faites qu’un avec tout ce qui est. Et quand je dis que vous oubliez, je veux dire que vous ne pouvez plus sentir cet état d’unité comme étant une réalité qui coule de source. Il se peut que vous la croyiez vraie, mais vous ne l’appréhendez plus comme telle. Une croyance peut certes vous réconforter. Par contre, seule l’expérience peut vous libérer.

Penser est devenu une maladie et celle-ci survient quand les choses sont déséquilibrées. Par exemple, il n’y a rien de mal à ce que les cellules du corps se divisent pour se multiplier. Mais lorsque ce phénomène s’effectue sans aucun égard pour l’organisme dans sa totalité, les cellules prolifèrent et la maladie s’installe.

Le mental est un magnifique outil si l’on s’en sert à bon escient. Dans le cas contraire, il devient très destructeur. Plus précisément, ce n’est pas tant que vous utilisez mal votre « mental » ; c’est plutôt qu’en général vous ne vous en servez pas du tout, car c’est lui qui se sert de vous. Et c’est cela la maladie, puisque vous croyez être votre mental. C’est cela l’illusion. L’outil a pris possession de vous.

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Je ne suis pas tout à fait d’accord. C’est vrai que mes pensées sont souvent sans objet, comme chez la plupart des gens, mais je peux encore décider d’utiliser mon mental pour acquérir ou accomplir des choses. C’est ce que je fais tout le temps.

Ce n’est pas parce que vous réussissez à terminer un jeu de mots croisés ou à fabriquer une bombe atomique que vous savez vous servir de votre mental. Ce dernier aime se faire les dents sur des problèmes, comme les chiens le font avec les os. Voilà pourquoi il fait des mots croisés et invente des bombes atomiques, alors que vous, l’Être, ne portez intérêt ni à l’un ni à l’autre. Laissez-moi vous poser les questions suivantes: « Pouvez-vous vous libérer du mental quand vous le voulez ? Avez-vous réussi à trouver l’interrupteur qui le met hors circuit ? »

Vous voulez dire arrêter complètement de penser ? Non, je ne réussis pas, sauf pour un instant ou deux.

Dans ce cas, le mental se sert de vous et vous vous êtes inconsciemment identifié à lui. Par conséquent, vous ne savez même pas que vous êtes son esclave. C’est un peu comme si vous étiez possédé sans le savoir et que vous preniez l’entité qui vous possède pour vous. La liberté commence quand vous prenez conscience que vous n’êtes pas cette entité, c’est-à-dire le penseur. En sachant cela, vous pouvez alors surveiller cette entité. Dès l’instant où vous vous mettez à observer le penseur, un niveau plus élevé de conscience est activé et vous comprenez petit à petit qu’il existe un immense royaume d’intelligence au-delà de la pensée et que celle-ci ne constitue qu’un infime aspect de cette intelligence. Vous réalisez aussi que toutes les choses vraiment importantes – la beauté, l’amour, la créativité, la joie, la paix – trouvent leur source au-delà du mental. Et vous commencez alors à vous éveiller.

2 – COMMENT SE LIBÉRER DU MENTAL

Lorsque quelqu’un va chez le médecin et lui dit qu’il entend des voix, celui-ci l’enverra fort probablement consulter un psychiatre. Le fait est que, de façon très similaire, presque tout le monde entend en permanence une ou plusieurs voix dans sa tête et qu’il s’agit du phénomène involontaire de la pensée que vous ne réalisez pas avoir le pouvoir d’arrêter. Ce ne sont que monologues ou dialogues continuels.

Il vous est certainement déjà arrivé de croiser dans la rue des déments qui parlent sans arrêt tout haut ou tout bas. En réalité, ce n’est pas très différent de ce que vous et tous les gens « normaux » faites, sauf que vous le faites en silence. La voix passe des commentaires, fait des spéculations, émet des jugements, compare, se plaint, aime, n’aime pas, et ainsi de suite. Ce que cette voix énonce ne correspond pas automatiquement à la situation dans laquelle vous vous trouvez dans le moment. Elle ravive peut-être un passé proche ou lointain ou bien alors imagine et rejoue d’éventuelles situations futures. Dans ces moments-là, la voix imagine souvent que les choses tournent mal et envisage des résultats négatifs. C’est ce que l’on appelle l’inquiétude. Cette bande sonore s’accompagne parfois d’images visuelles ou de « films mentaux ». Et même si ce que la voix dit correspond à la situation du moment, elle l’interprétera en fonction du passé. Pourquoi ? Parce que cette voix appartient au conditionnement mental, qui est le fruit de toute votre histoire personnelle et celui de l’état d’esprit collectif et culturel dont vous avez hérité. Ainsi, vous voyez et jugez dorénavant le présent à travers les yeux du passé et vous en avez une vision totalement déformée. Il est fréquent que, chez une personne, cette voix intérieure soit son pire ennemi. Nombreux sont les gens qui vivent avec un bourreau dans leur tête qui les attaque et les punit sans cesse, leur siphonnant ainsi leur énergie vitale. Ce tyran est à l’origine des innombrables tourments et malheurs, ainsi que de toute maladie.

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Mais la bonne nouvelle dans tout cela, c’est que vous pouvez effectivement vous libérer du mental. Et c’est là la seule véritable libération. Vous pouvez même commencer dès maintenant. Écoutez aussi souvent que possible cette voix. Prêtez particulièrement attention aux schémas de pensée répétitifs, à ces vieux disques qui jouent et rejouent les mêmes chansons peut-être depuis des années. C’est ce que j’entends quand je vous suggère « d’observer le penseur ». C’est une autre façon de vous dire d’écouter cette voix dans votre tête, d’être la présence qui joue le rôle de témoin.

Lorsque vous écoutez cette voix, faites-le objectivement, c’est-à-dire sans juger. Ne condamnez pas ce que vous entendez, car si vous le faites, cela signifie que cette même voix est revenue par la porte de service. Vous prendrez bientôt conscience qu’il y a la voix et qu’il y a quelqu’un qui l’écoute et qui l’observe. Cette prise de conscience que quelqu’un surveille, ce sens de votre propre présence, n’est pas une pensée. Cette réalisation trouve son origine au-delà du « mental ».

Ainsi, quand vous observez une pensée, vous êtes non seulement conscient de celle-ci, mais aussi de vous-même en tant que témoin de la pensée. À ce moment-là, une nouvelle dimension entre en jeu. Pendant que vous observez cette pensée, vous sentez pour ainsi dire une présence, votre moi profond, derrière elle ou sous elle. Elle perd alors son pouvoir sur vous et bat rapidement en retraite du fait que, en ne vous identifiant plus à elle, vous n’alimentez plus le mental. Ceci est le début de la fin de la pensée involontaire et compulsive.

Lorsqu’une pensée s’efface, il se produit une discontinuité dans le flux mental, un intervalle de « non-mental ». Au début, ces hiatus seront courts, peut-être de quelques secondes, mais ils deviendront peu à peu de plus en plus longs. Lorsque ces décalages dans la pensée se produisent, vous ressentez un certain calme et une certaine paix. C’est le début de votre état naturel de fusion consciente avec l’Être qui est, généralement, obscurcie par le mental. Avec le temps et l’expérience, la sensation de calme et de paix s’approfondira et se poursuivra ainsi sans fin. Vous sentirez également une joie délicate émaner du plus profond de vous, celle de l’Être.

Il ne s’agit pas du tout d’un état de transe, car il n’y a aucune perte de conscience. Bien au contraire. Si la paix devait se payer par une réduction de la conscience et le calme, par un manque de vitalité et de vigilance, elle n’en vaudrait pas la peine. Dans cet état d’unité avec l’Être, vous êtes beaucoup plus alerte, beaucoup plus éveillé que dans l’état d’identification au mental. Vous êtes en fait totalement présent. Et cette condition élève les fréquences vibratoires du champ énergétique qui transmet la vie au corps physique.

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Lorsque vous pénétrez de plus en plus profondément dans cet état de vide mental ou de « non-mental », comme on le nomme parfois en Orient, vous atteignez la conscience pure. Et dans cette situation, vous ressentez votre propre présence avec une intensité et une joie telles que toute pensée, toute émotion, votre corps physique ainsi que le monde extérieur deviennent activement insignifiants en comparaison. Cependant, il ne s’agit pas d’un état d’égoïsme mais plutôt d’un état d’absence d’ego. Vous êtes transporté au-delà de ce que vous preniez auparavant pour « votre moi ». Cette présence, c’est vous en essence, mais c’est en même temps quelque chose d’inconcevablement plus vaste que vous. Ce que j’essaie de transmettre dans cette explication peut sembler paradoxal ou même contradictoire, mais je ne peux l’exprimer d’aucune autre façon.

Au lieu « d’observer le penseur », vous pouvez également créer un hiatus dans le mental en reportant simplement toute votre attention sur le moment présent. Devenez juste intensément conscient de cet instant. Vous en tirerez une profonde satisfaction. De cette façon, vous écartez la conscience de l’activité mentale et créez un vide mental où vous devenez extrêmement vigilant et conscient mais où vous ne pensez pas. Ceci est l’essence même de la méditation.

Dans votre vie quotidienne, vous pouvez vous y exercer durant n’importe quelle activité routinière, qui n’est normalement qu’un moyen d’activer à une fin, en lui accordant votre totale attention afin qu’elle devienne une fin en soi. Par exemple, chaque fois que vous montez ou descendez une volée de marches chez vous ou au travail, portez attention à chacune des marches, à chaque mouvement et même à votre respiration. Soyez totalement présent. Ou bien lorsque vous vous lavez les mains, prenez plaisir à toutes les perceptions sensuelles qui accompagnent ce geste : le bruit et la sensation de l’eau sur la peau, le mouvement de vos mains, l’odeur du savon, ainsi de suite. Ou bien encore, une fois monté dans votre voiture et la portière fermée, faites une pause de quelques secondes pour observer le mouvement de votre respiration. Remarquez la silencieuse mais puissante sensation de présence qui se manifeste en vous. Un critère certain vous permet d’évaluer si vous réussissez ou non dans cette entreprise : le degré de paix que vous ressentez alors intérieurement.

Ainsi, le seul pas crucial à faire dans le périple qui conduit à l’éveil est d’apprendre à se dissocier du mental. Chaque fois que vous créez une discontinuité dans le courant des pensées, la lumière de la conscience s’intensifie. Il se peut même que vous vous surpreniez un jour à sourire en entendant la voix qui parle dans votre tête, comme vous souririez devant les pitreries d’un enfant. Ceci veut dire que vous ne prenez plus autant au sérieux le contenu de votre mental et que le sens que vous avez de votre moi n’en dépend pas.

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L’ ILLUMINATION, C’ EST S’ ÉLEVER AU-DELÀ DE LA PENSÉE

La pensée n’est-elle pas indispensable pour survivre en ce monde ?

Votre mental est un outil, un instrument qui est là pour servir à l’accomplissement d’une tâche précise. Une fois cette tâche effectuée, vous déposez votre outil. Je dirais ceci : telles que sont les choses, environ quatre-vingt à quatre-vingt-dix pour cent de la pensée chez l’humain est non seulement répétitive et inutile, mais aussi en grande partie nuisible en raison de sa nature souvent négative et dysfonctionnelle. Il vous suffit d’observer votre mental pour constater à quel point cela est vrai. La pensée involontaire et compulsive occasionne une sérieuse perte d’énergie vitale. Elle est en fait une accoutumance. Et qu’est-ce qui caractérise une habitude ? Tout simplement le fait que vous sentiez ne plus avoir la liberté d’arrêter. Elle semble plus forte que vous. Elle vous procure également une fausse sensation de plaisir qui se transforme invariablement en souffrance.

Pourquoi serions-nous des drogués de la pensée ?

Parce que vous êtes identifiés à elle et que cela veut dire que vous tirez votre sens du moi à partir du contenu et de l’activité du mental. Parce que vous croyez que si vous vous arrêtez de penser, vous cesserez d’être. Quand vous grandissez, vous vous faites une image mentale de qui vous êtes en fonction de votre conditionnement familial et culturel. On pourrait appeler ce « moi fantôme », l’ego. Il se résume à l’activité mentale et ne peut se perpétuer que par l’incessante pensée. Le terme « ego » signifie diverses choses pour différentes gens, mais quand je l’utilise ici, il désigne le faux moi créé par l’identification inconsciente au mental.

Aux yeux de l’ego, le moment présent n’existe quasiment pas, car seuls le passé et le futur lui importent. Ce renversement total de la vérité reflète bien à quel point le mental est dénaturé quand il fonctionne sur le mode « ego ». Sa préoccupation est de toujours maintenir le passé en vie, car sans lui qui seriez-vous ? Il se projette constamment dans le futur pour assurer sa survie et pour y trouver une forme quelconque de relâchement et de satisfaction. Il se dit : « Un jour, quand ceci ou cela se produira, je serai bien, heureux, en paix. » Même quand l’ego semble se préoccuper du présent, ce n’est pas le présent qu’il voit. Il le perçoit de façon totalement déformée, car il le regarde à travers les yeux du passé. Ou bien il le réduit à un moyen pour arriver à une fin, une fin qui n’existe jamais que dans le futur projeté par lui. Observez votre mental et vous verrez qu’il fonctionne comme ça.

Le secret de la libération réside dans l’instant présent. Mais vous ne pourrez pas vous y retrouver tant et aussi longtemps que vous serez votre mental.

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Je ne veux pas perdre ma capacité d’analyse et de discernement. Je ne suis pas contre le fait d’apprendre à penser plus clairement, de façon plus pénétrante, mais je ne veux pas perdre ma tête. Le don de la pensée est la chose la plus précieuse que nous ayons. Sans elle, nous ne serions qu’une autre espèce animale.

La prédominance de la pensée n’est rien d’autre qu’une étape dans l’évolution de la conscience. Il nous faut passer à l’étape suivante de toute urgence. Sinon, le mental nous anéantira, car il est devenu un véritable monstre. Je reparlerai de ceci plus en détail un peu plus loin. Pensée et conscience ne sont pas synonymes. La pensée n’est qu’un petit aspect de la conscience et elle ne peut exister sans elle. Par contre, la conscience n’a pas besoin de la pensée.

Atteindre l’illumination signifie s’élever au-delà de la pensée, ne pas retomber à un niveau situé en dessous de la pensée, soit celui du règne végétal ou animal. Quand vous avez atteint ce degré d’éveil, vous continuez à vous servir de votre pensée au besoin. La seule différence, c’est que vous le faites de façon beaucoup plus efficace et pénétrante qu’avant. Vous vous servez de votre mental principalement pour des questions d’ordre pratique. Vous n’êtes plus sous l’emprise du dialogue intérieur involontaire, et une paix profonde s’est installée. Lorsque vous employez le mental, en particulier quand vous devez trouver une solution créative à quelque chose, vous oscillez toutes les quelques minutes entre la pensée et le calme, entre le vide mental et le mental. Le vide mental, c’est la conscience sans la pensée. C’est uniquement de cette façon qu’il est possible de penser de manière créative parce que c’est seulement ainsi que la pensée acquiert vraiment un pouvoir. Lorsqu’elle n’est plus reliée au très grand royaume de la conscience, la pensée seule devient stérile, insensée, destructrice.

Essentiellement, le mental est une machine à survie. Attaque et défense face à ses « congénères », collecte, entreposage et analyse de l’information, voilà ce à quoi le mental excelle, mais il n’est pas du tout créatif. Tous les véritables artistes, qu’ils le sachent ou pas, créent à partir d’un état de vide mental, d’une immobilité intérieure. Puis, c’est le mental qui donne forme à l’impulsion ou à l’intuition créative. Même les plus grands savants ont rapporté que leurs percées créatives s’étaient produites dans des moments de quiétude mentale. Une enquête effectuée à l’échelle nationale auprès des plus éminents mathématiciens américains, Einstein y compris, a donné des résultats surprenants. Questionnés au sujet de leurs méthodes de travail, ils ont répondu que la pensée ne « jouait qu’un rôle secondaire à l’étape brève et déterminante de l’acte créatif lui-même ». Je dirais donc que la simple raison pour laquelle la majorité des scientifiques ne sont pas des gens créatifs, c’est qu’ils ne savent pas s’arrêter de penser et non pas qu’ils ne savent pas comment penser !

Ce n’est pas la pensée, le mental, qui est à l’origine du miracle de la vie sur terre ou de votre corps. Et ce n’est pas cela non plus qui les sustente. De toute évidence, il y a à l’oeuvre une intelligence qui est bien plus grande que le mental. Comment une seule cellule humaine mesurant 1/2500 de centimètre de diamètre peut-elle contenir dans son ADN des informations qui rempliraient un millier de livres de six cents pages chacun ? Plus nous en apprenons au sujet du fonctionnement du corps, plus nous réalisons le caractère grandiose de l’intelligence qui est à l’oeuvre en lui et la petitesse de notre savoir. Lorsque le mental se remet en contact avec cette réalité, il devient le plus merveilleux des outils et sert alors une cause bien plus grande que lui.

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LES ÉMOTIONS, UNE RÉACTION – DU CORPS AU MENTAL

Qu’en est-il des émotions ? Je me laisse plus souvent prendre par mes émotions que par mon mental.

Dans le sens selon lequel j’emploie le terme, le mental ne fait pas seulement référence à la pensée. Il comprend également vos émotions ainsi que tous les schèmes réactifs inconscients mettant en rapport pensées et émotions. Les émotions naissent au point de rencontre du corps et du mental. Une émotion est la réaction de votre corps à votre mental, ou encore le reflet de votre mental dans le corps. Par exemple, une pensée agressive ou hostile crée dans le corps une accumulation d’énergie que nous appelons colère. Le corps s’apprête à se battre. La pensée d’être menacé physiquement ou psychologiquement occasionne une contraction dans le corps. C’est l’aspect physique de ce que nous appelons la peur. Les recherches ont prouvé que les émotions fortes peuvent même modifier la biochimie du corps. Ces modifications biochimiques constituent l’aspect physique ou matériel de l’émotion. Bien sûr, vous n’êtes généralement pas conscient de tous vos schèmes de pensée et ce n’est souvent qu’en observant vos émotions que vous pouvez les amener à la conscience.

Plus vous vous identifiez à vos pensées, à vos goûts, à vos jugements et à vos interprétations, c’est-à-dire moins vous êtes présent en tant que conscience qui observe, plus grande sera la charge émotionnelle. Et ceci, que vous en soyez conscient ou non. Si vous ne réussissez pas à ressentir vos émotions, si vous en êtes coupé, vous en ferez l’expérience sur un plan purement physique, sous la forme d’un problème ou d’un symptôme physique. Étant donné qu’on a écrit énormément sur ce sujet au cours des dernières années, nous n’avons pas besoin de nous y attarder. Un profond schème émotionnel inconscient peut même se manifester sous la forme d’un événement qui semble simplement vous arriver. Par exemple, j’ai observé que les gens qui portent inconsciemment en eux une grande colère et qui ne l’expriment pas sont plus susceptibles de se faire attaquer verbalement ou physiquement par d’autres gens pleins de colère, souvent sans raison évidente. Il émane de ces premiers une forte vibration de colère qui entre en résonance avec la colère d’autres personnes et qui la déclenche.

Si vous avez de la difficulté à ressentir vos émotions, commencez par centrer votre attention sur le champ énergétique de votre corps. Sentez votre corps de l’intérieur. Ceci vous mettra aussi en contact avec vos émotions. Nous explorerons cela plus en détail plus tard.

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Vous dites que l’émotion est la réaction corporelle du mental Mais il existe parfois un conflit entre les deux : le mental dit « non » alors que l’émotion dit « oui ». Ou vice-versa.

Si vous voulez vraiment apprendre à connaître votre mental, observez l’émotion, ou mieux encore, ressentez-la dans votre corps, car celui-ci vous donnera toujours l’heure juste. Si, apparemment, il y a un conflit entre les deux, la pensée mentira alors que l’émotion dira la vérité.

Non pas la vérité ultime de votre essence, mais la vérité relative de votre état d’esprit à ce moment-là.

Les conflits entre pensées superficielles et processus mentaux inconscients sont certes chose commune. Mais si vous n’êtes pas encore capable de conscientiser l’activité mentale inconsciente sous la forme de pensées, celle-ci sera toujours reflétée dans le corps sous la forme d’une émotion. Et de cela vous pouvez prendre conscience. Fondamentalement, on observe une émotion de la même façon qu’une pensée, comme je l’ai expliqué plus haut. La seule différence, c’est qu’une émotion est fortement reliée au physique et que vous la ressentirez principalement dans le corps, alors qu’une pensée se loge dans la tête. Vous pouvez alors permettre à l’émotion d’être là sans être contrôlé par elle. Vous n’êtes plus l’émotion : vous êtes le témoin, la présence qui observe. Si vous vous exercez à cela, tout ce qui est inconscient en vous sera amené à la lumière de la conscience.

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Cela revient-il à dire qu’il est aussi important d’examiner les émotions que les pensées ?

Oui. Prenez l’habitude de vous poser la question suivante : « Qu’est-ce qui se passe en moi en ce moment ? » Elle vous indiquera la bonne direction. Mais n’analysez pas. Contentez-vous d’observer. Tournez votre attention vers l’intérieur. Sentez l’énergie de l’émotion. S’il n’y a aucune émotion, soyez encore plus profondément attentif à votre champ énergétique, à l’intérieur du corps. C’est la porte d’accès à l’Être.

Habituellement, une émotion est la manifestation amplifiée et ravivée d’une forme-pensée. Du fait que la charge énergétique en est souvent fulgurante, il n’est pas facile au début de rester suffisamment présent pour la remarquer. Elle veut prendre possession de vous et y parvient en général, à moins qu’il n’y ait suffisamment de présence en vous. Si vous êtes ramené à l’identification inconsciente à l’émotion par manque de présence, ce qui est normal, l’émotion devient temporairement « vous ». Souvent, un cercle vicieux s’installe entre la pensée et l’émotion : elles s’attisent l’une l’autre. Le schème de pensée crée une réflexion amplifiée de lui-même sous la forme d’une émotion et la fréquence vibratoire de l’émotion continue d’alimenter la pensée d’origine. En ressassant mentalement des idées sur la situation, l’événement ou la personne ayant causé l’émotion, la pensée alimente l’émotion, qui à son tour déclenche la forme-pensée, et ainsi de suite.

Fondamentalement, toutes les émotions ne sont que des variantes d’une seule émotion primordiale et non particularisée dont l’origine remonte à la perte de conscience de ce que nous sommes, au-delà du nom et de la forme. En raison de sa nature non particularisée, il est difficile de trouver un terme pouvant la décrire précisément. Le mot « peur » est celui qui s’en rapprocherait le plus. Mais à une perpétuelle sensation de menace, s’ajoute aussi une profonde sensation d’abandon et d’incomplétude. Il vaut donc mieux employer un terme aussi peu distinctif que l’émotion elle-même, un terme tel que « souffrance ». Une des principales tâches du mental est de se défendre contre cette souffrance émotionnelle et d’essayer de l’éliminer. C’est une des raisons pour lesquelles il est sans cesse en activité. Cependant, tout ce qu’il réussit à faire, c’est l’éclipser temporairement. En fait, plus le mental s’efforce de se débarrasser de la souffrance, plus elle est grande. Le mental ne peut jamais trouver la solution ni se permettre de vous laisser la trouver, car il fait lui-même intrinsèquement partie du « problème ». Imaginez un commissaire de police essayant de mettre la main sur un pyromane alors qu’il est lui-même ce pyromane. Vous réussirez à vous libérer de cette souffrance seulement à partir du moment où vous cesserez d’assimiler le sens de votre moi à l’identification au mental, c’est-à-dire à l’ego. À partir de ce moment-là, le mental est destitué de sa position de pouvoir et votre vraie nature fleurit par l’Être qui apparaît.

Oui, je sais ce que vous allez me demander.

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J’allais demander ce qu’il en est des émotions positives comme l’amour et la joie.

Elles sont inséparables de votre état naturel à être en rapport intime avec l’Être. Des aperçus fugitifs d’amour et de joie ou de brefs moments de profonde paix ne peuvent arriver que lorsqu’une interruption survient dans le flot des pensées. Chez la plupart des gens, de telles parenthèses se produisent rarement et seulement accidentellement, à des moments où le mental réagit par le mutisme. Celui-ci peut être parfois déclenché par une vision d’une grande beauté, un épuisement physique extrême ou même un grand danger. Soudain, une immobilité intérieure s’installe. Et au coeur de cette immobilité, il y a une joie subtile mais intense, il y a l’amour, il y a la paix. Habituellement, ces moments ne durent pas, car le mental reprend l’activité bruyante que nous nommons la pensée. L’amour, la joie et la paix ne peuvent fleurir à moins que vous ne vous soyez débarrassé de la prédominance du mental. Mais ce ne sont pas ce que j’appellerais des émotions. L’amour, la joie et la paix se situent au-delà des émotions, à un niveau beaucoup plus profond. Vous devez donc prendre pleinement conscience de vos émotions et les ressentir avant de pouvoir sentir ce qui se situe au-delà de celles-ci. Étymologiquement, « émotion » veut dire « dérangement ». Le terme vient du verbe latin emovere, qui signifie « déranger ».

L’amour, la joie et la paix sont les états profonds de l’Être, ou plutôt trois aspects de cet état de rapport intime avec l’Être. En tant que tels, ils n’ont aucun opposé. Pourquoi ? Parce que leur origine se situe au-delà du mental. Par contre, comme les émotions appartiennent au monde de la dualité, elles sont soumises à la loi des opposés. Ceci sous-entend simplement que vous ne pouvez avoir ce qui est bon sans ce qui est mauvais. Donc, dans l’état de non- éveil et d’identification au mental, ce que l’on qualifie parfois à tort de joie n’est en fait habituellement que l’aspect plaisir, éphémère, du perpétuel cycle d’alternance souffrance-plaisir. Le plaisir est toujours provoqué par quelque chose d’extérieur à vous, alors que la joie émane de l’intérieur. Autrement dit, la chose qui vous procure du plaisir aujourd’hui vous fera souffrir demain. Ou bien le plaisir disparaîtra et son absence vous fera souffrir. Et ce que l’on qualifie souvent d’amour peut certes être agréable et plaisant pendant un certain temps, mais il s’agit d’une attitude de dépendance qui nous fait nous accrocher, d’un état d’extrême besoin pouvant se métamorphoser en son opposé en un clin d’oeil. Une fois l’euphorie initiale dissipée, de nombreuses relations oscillent en fait entre « l’amour » et la haine, entre l’attirance et l’hostilité.

L’amour véritable ne vous fait pas souffrir. Comment le pourrait-il ? Il ne se transforme pas soudainement en haine, pas plus que la véritable joie ne devient souffrance. Comme je l’ai mentionné auparavant, même avant de connaître l’illumination avant de vous être libéré du mental -, il se peut que vous ayez quelques aperçus de ce que sont la joie et l’amour véritables, ou d’une profonde paix intérieure empreinte d’immobilité mais vibrante et vivante. Ce sont là des aspects de votre vraie nature, qui est en général masquée par le mental. Même dans le cadre d’une relation « normale » de dépendance, il peut y avoir des moments où la présence de quelque chose de plus authentique et d’inaltérable se fait sentir. Mais ces moments seront fugitifs, car ils seront vite évincés par l’activité interférente du mental. Vous aurez peut-être à ce moment-là l’impression d’avoir eu en votre possession quelque chose de très précieux et de l’avoir perdu. Ou bien votre mental essaiera de vous convaincre que, de toute manière, tout cela n’était qu’illusion. Mais la vérité, c’est que ce n’était pas une illusion et que cette expérience ne peut s’effacer. Elle appartient à votre état original qui peut certes être masqué par le mental, mais jamais être détruit par lui. Même lorsque le ciel est complètement couvert, le soleil ne disparaît pas. Il est encore là derrière les nuages.

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Selon Gautama le Bouddha, la douleur et la souffrance naissent du désir ou des compulsions et pour s’en libérer, il faut éliminer la subordination au désir.

Pour trouver un substitut à la joie, qui est le propre de l’Être, le mental cherche le salut ou la satisfaction en désirant des choses extérieures ou dans le futur. Aussi longtemps que je suis mon mental, je suis aussi ces envies, ces besoins, ces manques, ces attachements et ces aversions. À part ceux-ci, il n’y a pas de « je », sauf sous la forme d’une infime possibilité, d’un potentiel non réalisé, d’une graine qui n’a pas encore germé. Dans cet état-là, même mon désir de me libérer ou d’atteindre l’éveil n’est encore qu’une autre envie axée sur une satisfaction et un accomplissement futurs. Ne cherchez donc pas à vous libérer du désir ni à « atteindre » l’illumination. Apprenez à être présent. Soyez celui qui observe le mental. Au lieu de citer Bouddha, soyez Bouddha. Soyez « celui qui est éveillé ». C’est ce que le mot bouddha veut dire : éveillé.

Les humains sont en proie à la souffrance depuis toujours, depuis qu’ils sont sortis de l’état de grâce, qu’ils sont entrés dans le règne du temporel et du mental, et qu’ils ont perdu la conscience de l’Être. Dès ce moment-là, ils ont commencé à se percevoir comme d’insignifiants fragments évoluant dans un monde étranger, coupés de la Source et des autres.

La douleur et la souffrance sont inévitables tant et aussi longtemps que vous êtes identifié à votre mental, c’est-à-dire inconscient spirituellement parlant. Je fais ici surtout référence à la souffrance émotionnelle, également la principale cause de la souffrance et des maladies corporelles. Le ressentiment, la haine, l’apitoiement sur soi, la culpabilité, la colère, la dépression, la jalousie, ou même la plus petite irritation sont sans exception des formes de souffrance. Et tout plaisir ou toute exaltation émotionnelle comportent en eux le genre de la souffrance, leur inséparable opposé, qui se manifestera à un moment donné. N’importe qui ayant déjà pris de la drogue pour « décoller » sait très bien que le « planage » se traduit forcément par un « atterrissage », que le plaisir se transforme d’une manière ou d’une autre en souffrance. Beaucoup de gens savent aussi d’expérience avec quelles facilité et rapidité une relation intime peut devenir une source de souffrance après avoir été une source de plaisir. Si on considère ces polarités négative et positive en fonction d’une perspective supérieure, on constate qu’elles sont les deux faces d’une seule et même pièce, qu’elles appartiennent toutes deux à la souffrance sous-jacente à l’état de conscience dit de l’ego, à l’identification au mental, et que cette souffrance est indissociable de cet état.

Il existe deux types de souffrance: celle que vous créez maintenant et la souffrance passée qui continue de vivre en vous, dans votre corps et dans votre esprit. Maintenant, j’aimerais vous expliquer comment cesser d’en créer dans le présent et comment dissoudre celle issue du passé.

Fin du chapitre 1
 


 
Extrait de Mettre en pratique le pouvoir du moment présent de Eckhart Tolle
LE POUVOIR DU MOMENT PRÉSENT EST DANS LE LÂCHER PRISE

Par Eckhart Tolle

Voici un petit texte de Eckhart Tolle, l’enseignant spirituel le plus en vogue à l’heure actuelle ! En très peu de temps, l’auteur du best-seller « Le Pouvoir du Moment Présent » a acquis la réputation d’être parmi les plus grands enseignants spirituels des dernières années. La puissance de son message va au-delà des mots. Il nous amène directement à un endroit paisible à l’intérieur de nous-même hors du contrôle de notre égo .

Il n’est pas nécessaire que vous acceptiez une situation indésirable ou désagréable. Il n’est pas nécessaire non plus vous vous racontiez des histoires en vous disant qu’il n’y a rien de mal à être pris dans la boue. Au contraire, vous reconnaissez alors totalement que vous voulez en sortir. Puis, vous ramenez votre attention sur le moment présent sans mentalement l’étiqueter d’une façon ou d’une autre.

En somme, vous ne portez aucun jugement sur le présent. Par conséquent, il n’y a ni opposition ni négative émotionnelle. Vous acceptez le moment tel qu’il est. Puis vous passez à l’action et faites tout ce qui est en votre pouvoir pour vous en sortir.

Voici ce que j’appelle une action positive. C’est de loin beaucoup plus efficace qu’une action négative, qui est le fruit de la colère, du désespoir ou de la frustration. Continuez à mettre en pratique le lâcher-prise en vous retenant d’étiqueter le présent, et ce, jusqu’à l’obtention du résultat voulu. Laissez-moi vous donner une analogie visuelle afin d’illustrer ce que je tente de vous expliquer. Vous marchez le long d’un sentier la nuit, entouré d’un épais brouillard. Toutefois, vous disposez d’une puissante torche électrique qui fend ce brouillard et trace devant vous un passage étroit mais dégagé. Disons que ce brouillard représente vos conditions de vie du passé et du futur et que la torche électrique symbolise la présence consciente, le passage dégagé, le présent.

Le fait de ne pas lâcher prise endurcit la forme psychologique, la carapace de l’ego, et crée un fort sens de dissociation. Vous percevez le monde autour de vous et les gens en particulier comme une menace. Ceci s’accompagne de la compulsion inconsciente de détruire les autres par le jugement, ainsi que du besoin de rivaliser et de dominer. Même la nature devient votre ennemi et c’est la peur qui gouverne vous perceptions et vos interprétations. La maladie mentale que l’on appelle la paranoïa n’est qu’une forme légèrement plus aiguë de cet état normal, mais dysfonctionnel, de conscience.

Ce n’est pas seulement votre forme physique qui s’endurcit, mais également votre corps physique, qui devient dur et rigide en raison de la résistance. De la tension se crée dans diverses parties du corps, et celui-ci tout entier se contracte. La libre circulation de l’énergie dans le corps, essentielle à un fonctionnement sain, est grandement restreinte.

Le massage et certaines formes de physiothérapie peuvent certes aider à restituer cette circulation. Mais, à moins que vous ne fassiez du lâcher-prise une pratique quotidienne, ces choses ne peuvent vous procurer qu’un soulagement temporaire des symptômes puisque la cause, c’est-à-dire le comportement de résistance, n’a pas été résolue.

En vous existe quelque chose qui n’est pas affecté par les circonstances changeantes de votre vie et vous ne pouvez y avoir accès que par le lâcher-prise. Ce quelque chose, c’est votre vie, votre être même, qui se trouve éternellement dans le royaume intemporel du présent.

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Publié sous : Le Moment Présent
 
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